Qu’est ce que la psychomotricité ?
La psychomotricité est une profession paramédicale qui se centre sur la relation au corps. Cette thérapie invite à se centrer sur ses sensations, les accueillir et à leur répondre autrement que par la voie pathologique.
La psychomotricité passe donc par l’écoute de son corps, des ressentis et leur compréhension pour résoudre ses difficultés. En effet, chaque émotion est en lien avec des sensations qui s’expriment de manière progressive. Nous pourrions comparer cette inscription sensorielle à une route. Plus cette route est connue tôt, plus il est possible d’adapter une réponse qui soit en accord avec soi et ses valeurs. Par exemple, une angoisse pourrait être ressenti initialement dans le ventre. En montant en intensité elle va aussi être perceptible dans la gorge qui se serre, dans une tension dans les épaules, le dos et dans des tremblements. Plus cette angoisse est identifiée tôt, plus au travers des sensations, plus il est facile de l’apaiser.
Concrètement, cette thérapie vise à traiter les difficultés psycho corporelles à travers la mise en sens des ressentis vécus en séance. Ces ressentis sont amenés par différentes médiations. Une médiation est une base de vécu corporel proposée en séance. Cette base permet le travail de compréhension et d’intégration des ressentis. Cette médiation est choisie avec le patient. Cela peut être de la méditation pleine conscience, de la relaxation, des étirements, de l’automassage, de la danse libre, etc. Ces médiations pourront aussi être utilisées dans le quotidien pour répondre aux sensations quand elles deviennent envahissantes ou trop fortes (stress, douleurs, tensions, angoisse, tristesse, etc.)..
La psychomotricité face aux problématiques des TCA
La psychomotricité accompagne les personnes souffrant de trouble des conduites alimentaires pour se reconnecter au corps, ses sensations et ses émotions.
Lors des troubles des conduites alimentaires, la personne présente souvent un contrôle important de soi, de son corps, du temps et de l’espace mais aussi d’importantes difficultés avec son corps. Il y aura bien souvent plusieurs axes à travailler telle la connexion au corps et à ses sensations, l’image du corps et l’expression des émotions.
Les troubles alimentaires sont souvent reliés à une déconnexion au corps. C’est-à-dire que le corps n’est plus ressenti : il peut y avoir une altération partielle ou totale du ressenti de faim, de soif, de satiété, de douleur, de plaisir, etc. Ceci peut conduire la personne à oublier de boire, à faire du sport sur une blessure ou à ne pas savoir quand elle n’a plus faim ou, au contraire, quand elle a faim. Le lien à soi est ainsi coupé partiellement ou totalement. Cette déconnexion sert au trouble alimentaire qui peut ainsi dicter ses ordres. La restriction est facilitée s’ il n’y a plus la sensation de faim. De même, il peut devenir plus aisé de faire du sport s’ il n’y a ni tension ni fatigue ressenties. Les TCA peuvent s’exprimer par une déconnexion et en même temps peuvent amener une hypersensibilité comme des gênes ou des douleurs corporelles plus ou moins intenses. Par exemple, la personne peut se sentir très gênée par la sensation de son vêtement qui semble lui serrer la peau ou encore elle peut souffrir de son ventre ou de tensions importantes.
Cette coupure du lien au corps facilite le trouble de l’image du corps, très fréquent dans les TCA. Ce trouble de l’image du corps peut se manifester par une insatisfaction corporelle et/ou une distorsion de l’image du corps, aussi appelée dysmorphophobie. Dans ce trouble, une partie du corps, ou son ensemble, peut être vu de façon distordue dans ses formes et volumes et est souvent vu (ou ressenti !) plus gros qu’il ne l’est. Comme il n’y a plus de ressenti pour lutter contre les visions grossies de soi, il n’y a plus d’arguments à opposer à ce que dit le trouble alimentaire et aux angoisses qui l’accompagnent. Une reconnexion à ses sensations est donc essentielle. Pour résoudre le trouble de l’image corporel, il est nécessaire de passer par une prise de conscience du corps, en se connectant aux sensations, et de chercher différentes techniques pour se le représenter. Il s’agit de développer une conscience de soi plus réaliste qui vient contraster avec la représentation altérée fournie par le trouble alimentaire.
La psychomotricité propose donc de renouer avec les sensations corporelles et par ce biais, d’améliorer l’image que l’on peut avoir de son corps et d’avoir une perception plus réaliste de son corps dans ses formes et volumes.
Cette altération du lien au corps, peut entraîner une perturbation du lien aux émotions et à leur expression. La personne souffrant de troubles alimentaires peut se retrouver coupée de ses émotions. Elle peut ainsi s’étonner de ne pas ressentir de joie ou de tristesse dans des moments qui auraient dû en susciter. La thérapie en psychomotricité propose de mettre en place une réponse aux émotions pour les laisser circuler plutôt que de les bloquer ou les traduire en comportements symptomatiques.
A contrario de ce que nous avons décrit plus haut, il peut y avoir une hyperémotivité. La personne se retrouve ainsi avec des émotions qu’elle juge extrême. Il peut ainsi exister des angoisses importantes et des pensées envahissantes (vis à vis du corps, de l’alimentation, de l’organisation du quotidien…) mais aussi des réactions de joie, de tristesse ou de colère, qui se trouvent démultipliées. La thérapie en psychomotricité passe alors par l’identification de la route des émotions et leur expression plus tôt pour que celle-ci ne déborde pas la personne. Quand les émotions sont déjà très hautes, la psychomotricité propose un espace pour que celles-ci s’expriment et donne des outils pour s’accompagner dans ses vagues émotionnelles. En effet, le risque est que ces émotions passent par une expression pathologique. En effet, quand celles-ci sont trop hautes elles peuvent être exprimées par une crise de boulimie ou “éteinte” par des scarifications.. En psychomotricité, l’objectif est de venir identifier ces émotions et leurs manifestations corporelles pour mieux les comprendre et ainsi pouvoir les exprimer/réguler.
Exemple de médiation : la méditation
La méditation, ou la pleine conscience, mindfulness en anglais, est une technique préférentielle. Et ce car elle invite à porter un regard curieux et bienveillant sur soi. La psychomotricité est sans cesse une invitation à se ressentir et à accueillir les différentes sensations. En cela, elle se place sur un niveau de méditation. C’est un niveau de conscience juste sur ce qu’il se passe dans son corps, dans ses pensées. Ceci permet une meilleure connaissance de soi et un accueil plus bienveillant de son corps et ses ressentis. Elle permet aussi de travailler la reconnexion au sensation de faim, de soif, de satiété, aux tensions et aux sensations agréables. Elle permet ainsi de dialoguer avec son corps, ses besoins et ses émotions.
Lors de TCA, il peut exister une importante hyperactivité physique mais aussi un surinvestissement intellectuel. Ces deux comportements, au travers d’un flux important de pensées et de mouvements, coupent des sensations et du corps. Avec la méditation, la personne est invitée à prendre conscience de son corps, de son activité et de regarder son activité psychique. La méditation permet ainsi de se repositionner vis à vis de cette activité. Elle propose par exemple d’observer les pensées, sans les suivre pour autant, mais juste de se regarder penser, de les regarder de loin. D’observer ainsi les vagues de pensées et d’explorer les actions possibles.
En conclusion
Être coupé de son corps entretient le trouble alimentaire. Se reconnecter donne une porte de sortie du trouble.
Le suivi en psychomotricité permet d’explorer le corps et le lien à ce dernier au travers des sensations et de découvrir comment l’habiter.
Les objectifs de soin, discutés et co-créés, sont travaillés en passant par des médiations corporelles telles que la relaxation, la respiration, le mouvement, le yoga…. Ces diverses médiations sont définies avec le patient et adaptées selon ses besoins.
Rappelons enfin que la psychomotricité s’inscrit dans un parcours de soin pluridisciplinaire. Son efficacité est potentialisée par un suivi diététique et psychologique.